De la batterie au mix : Le morceau “Liberty” d’Elsia

Ma plus grande collaboration musicale à ce jour : Partir de 0 en confrontant des personnalités et des univers musicaux différents, avec l’objectif de réaliser un morceau Soul d’exception !

Elsia – Liberty (Clip)

Autour du mois d’aout/septembre 2017 (Déjà !? Ça passe vite !), alors que je partageais une soirée avec Ollivier Roy (auteur/compositeur/interprète) et d’autres comparses musiciens, la chanteuse Elsia qui était présente évoquait un projet de morceau à sortir si possible avant la fin de l’année. En novembre, nous décidions de collaborer autour de la chanteuse Elsia avec Ollivier Roy (piano), Thibaut Lurton (basse), Olivier Parcollet (synthé) et moi-même (batterie/enregistrement/mix), mais également Laurent Brett (directeur artistique) afin de réaliser ce morceau.

La difficulté ? Pas le droit à l’erreur ! D’un côté on ne sait pas dans quoi on se lance, on a aucun moyen d’être 100% sûrs de nous, et de l’autre, on veut que ce morceau permette de montrer le potentiel d’Elsia !

Le rôle du directeur artistique

Les directeurs artistiques sont souvent la source de reproches et de clichés. Jusqu’à présent, je n’avais jamais eu affaire à ce type d’énergumène, je ne savais donc pas à quoi m’attendre mais partais en suspendant mon jugement, d’autant plus que Laurent Brett m’était fort sympathique. Et par chance, ce rôle était également nouveau pour lui. Fort d’avoir suivi le travail d’Elsia et mélomane absolu, avoir Laurent en tant que D.A. sonnait comme une évidence. Il était capable de mener et d’orienter l’équipe vers la couleur et les gimmicks Soul recherchés. La nouveauté de ce rôle lui a probablement conféré une humilité plus importante que ce que l’on s’imagine, ou bien peut-être que ça dépend simplement des personnes. Quoi qu’il en soit, outre le fait d’avoir été un moteur efficace dans l’organisation, Laurent a contribué à rendre cette expérience unique, notamment sur le plan artistique en apportant sa vision, ses remarques et sa critique toujours extrêmement constructives et ce, des répétitions jusqu’au mixage.

Répétitions

Le morceau existant déjà (mélodie/paroles d’Elsia), ce sont d’abord Ollivier Roy et Elsia qui ont travaillé à faire la première mise en forme. Nous commencions alors les répétitions en groupe afin de trouver l’esprit du morceau, la structure, les placements de chacun, les breaks, bref, l’agencement du morceau et les parties les plus finales possibles de chaque musicien. Ceci fut une mise à l’épreuve pour la plupart d’entre nous.

Pour ma part, lors des deux premières séances, observant la réaction de Laurent entre chaque essai, j’ai eu un déclic compris que le bon groove était basé sur des triolets pour ce morceau. J’ai finalement vraiment trouvé ma place entre deux baguettes de batterie au bout de deux ou trois séances grâce à des racines un peu funk. Peu après, Thibaut trouvé ses marques, encouragé par Laurent lorsqu’il avait trouvé le riff qui groove. Ollivier Roy, plutôt habitué à composer des morceaux piano/chant a dû s’adapter à ce morceau où la basse prend le lead; un travail d’adaptation qui a duré jusqu’à l’enregistrement. Enfin, Olivier Parcollet a eu des idées dès le début sur des nappes de synthés dont la base a été gardée puis ré-agencée pour coller au morceau final, sans compter les idées en plus à l’enregistrement/arrangement.

Quatre ou cinq répétitions ont déjà coulé : mais pas de temps à perdre, il y a une deadline, on enregistre tout ça !

Maquette

Afin que chacun puisse se réécouter et retravailler, mais également pour avoir une base solide pour l’enregistrement de la batterie, nous avons d’abord fait une maquette où la partie de batterie était simplifiée et faite en boîte à rythme. Chacun a travaillé à distance pour envoyer sa partie, excepté pour le chant et la basse qui se sont faits chez moi. Nous aurions potentiellement gagné du temps à tout faire chez moi car le recalage n’est pas forcément des plus simples lorsque certains musiciens enregistrent avec 100ms de latence sur un morceau qui joue avec des double triolets ! Soit. Cela nous a permis de savoir que l’enregistrement final de tous les instruments excepté la batterie (pour des raisons pratiques) devait se faire chez moi afin d’avoir une maîtrise totale sur la qualité des prises.

Enregistrement

Maquette prête, direction Polysonik à Orléans pour le rec des batteries. Tout le reste a été enregistré à mon appart sous la supervision de Laurent, qui a contribué avec les musiciens et moi-même à peaufiner les intentions et valider que chaque prise était bien la meilleure possible. Le tout avec de la nourriture maison apportés par les intervenants (chapeau) et parfois un peu de bière pour s’hydrater.

Le studio Polysonik

Polysonik est à la base un studio de répétition, dont j’ai usé et abusé d’ailleurs, et pour cause : il s’agit tout simplement de la référence à Orléans. Un staff sympa, du matos correct, mais surtout dans le cas présent : la possibilité d’enregistrer. Le but de leur studio étant surtout d’enregistrer des maquettes, nous avons plutôt opté pour une réservation entre la répétition et l’enregistrement, dans le sens où nous gérions la partie rec. Cependant, Polysonik a fourni la majorité des micros batterie, ce qui nous a bien aidés. Si c’était à refaire, je prendrais quand même l’assistance d’un ingé son sur place, vous allez comprendre pourquoi…

La Batterie

L’enregistrement de la batterie fut particulièrement éprouvant. D’abord il faut amener la batterie, puis l’installer, puis l’accorder. Là normalement en tant que batteur, ça s’arrête là. Oui, sauf que c’est aussi moi qui enregistre. Donc on place les micros, on fait passer les câbles à peu près correctement, on branche le patch, on joue un peu, on prépare l’ordi avec Cubase, on écoute, on ajuste… Ah, jusqu’à se rendre compte que le PC sur place n’a pas du tout Pro Tools en fait… Donc on retourne chez soi chercher son PC (fixe évidemment), on installe les pilotes de l’interface présente, et sans trop perdre de temps car il y a quand même un morceau à enregistrer. Et là enfin, après avoir couru partout, on doit se concentrer pour jouer correctement. Jouer correctement un morceau qui a déjà évolué un peu entre les répétitions et la maquette. Par chance, j’ai pu réquisitionner Laurent pour rec/stop quand il faut. Puis entre chaque prise, il faut changer de pièce pour aller écouter le résultat, choisir, rejouer, etc… Jusqu’à arriver au fameux “Bon, je crois qu’on l’a”. Et en effet, fiinalement, la batterie gardée sur l’enregistrment après épluchage des prises est un “one shot” : la prise qui conforte tous ces efforts. Batterie : Check.

La basse

Comme tout enregistrement de basse : Assez simple. Une prise “DI” (basse en direct, sans ampli) qu’on traite ensuite. Un Thibaut un peu stressé comme à chaque enregistrement que j’ai pu faire avec lui (il faut croire que je l’impressionne plus quand je suis derrière un clavier de PC que derrière une batterie), mais avec le bon mood, l’esprit du morceau ressort et quelques idées sympa prennent même place au dernier moment. Une bonne grosse basse bien groove qui fait en fait la majeure partie du morceau à elle seule, ce qui a le don de satisfaire Laurent qui estime (à raison) que la basse est l’essence même de la Soul, et moi-même qui adore forcément cet instrument en tant que batteur. Basse : Check !

Le Piano

Ollivier Roy se colle à la tâche ! Depuis chez lui, il envoit différentes idées. Après moultes concertations, l’esprit qui convainc tout le monde arrive. Mais l’enregistrement envoyé a comme un problème : Pas vraiment calé, parfois OK, parfois en retard… Etrange, ça ne ressemble pas à Ollivier ! La raison, je l’ai comprise quelques mois plus tard, voyant chez lui l’interface audio à la latence trop élevée, ce qui perturbe forcément le jeu de tout musicien. Quoi qu’il en soit, voyant que le résultat ne convenait pas, c’est donc avec son piano et chez moi que l’enregistrement a été fait. Quelques prises, quelques ajustements et on tenait notre piano : Check !

Les voix

Curieusement, malgré une excellente communication, je n’ai appris que très tardivement l’expérience limitée en enregistrement d’Elsia. En effet, sa performance d’excellente qualité avait du coup masqué une méconnaissance de certains process de rec qui pour moi semblent évidents avec le temps, mais qui bien sûr ne le sont absolument pas pour quelqu’un réalisant ses premiers enregistrements. Ayant pris connaissance de cela, j’ai donc pris un peu plus de temps pour expliquer ma méthode d’enregistrement à Elsia, ce qui pour sûr a permis une bien meilleure efficacité par la suite. Cela passe par la technique consistant à reprendre (ré-enregistrer) un passage rapidement pour rester dans le feu de l’action, le placement physique par rapport au micro, mais aussi des aspects sur l’endurance en tant que chanteur/chanteuse, endurance qui a pour sûr été entretenue à coups de bons thés et de bon mets fait maison !

Finalement, ce manque de perspective de ma part a permis de se familiariser avec le process et a fait que la voix supposée “finale” a été, après un peu de recul, ré-enregistrée entièrement, avec cette fois-ci plus d’aisance. Cela a permis d’obtenir une bien meilleure cohérence et un feeling forcément beaucoup plus naturel, avec notamment beaucoup plus de “one shots”, donc moins de prises dans lesquelles piocher.

Arrangements

Choeurs et claps, tambourin…

Peu de choses à dire à ce sujet, si ce n’est que le résultat est là ! Elsia a vite trouvé les choeurs qui sonnent, donnent de la profondeur, donnent envie de chanter avec. Les claps (et claquements de doigts) ont été enregistrés à trois, Elsia, Laurent et moi, dont deux personnes seulement équipées d’un casque, pour des raisons pratiques, mais ce qui a également l’avantage d’avoir une personne moins en rythme, ce qui donne plus d’ampleur à ces claps. Tambourin et shaker ont été enregistrés par mes soins, rien d’extravagant, juste une assise qui remplit le spectre à cette fréquence et ajoute du rythme et appuie les temps forts.

Les synthés

Après un milliard d’idées d’imagination débordante, Olivier Parcollet est à son tour invité à venir à la maison pour une touche finale. A la suite d’un bon moment à trouver les sons les plus inspirants et proches des idées les plus appréciées, on enregistre ce bon vieux synthé Leslie qui contribue grandement au groove du morceau, quelques nappes de violons qui sont trouvées en un claquement de doigt, et des jonctions, qui permettent de vraiment lier le morceau. La cerise sur le gâteau est là.

Place au mix !

Mixage

Comme toujours, je commence le mix par la batterie puis la basse. Une fois cet équilibre trouvé, le reste coule tout seul.

Drums

Ma bonne vieille Pearl Forum Series donne comme d’habitude du fil à retordre, de même que les cymbales AAX, très puissantes et la room du studio assez “garage” finalement, ce qui ne colle de base pas trop au style recherché. Après avoir trouvé une spatialisation correcte, filtré la moitié des fréquences sur les toms, le kick, et trouvé un bon compromis sur la snare, le résultat est assez propre, puissant sans déborder dynamiquement et groovy à mon goût.

Bass

Le plus gros défi quand on a 0 ampli sur l’enregistrement : Donner un son naturel. Après plusieurs essais et réglages manuels, je trouve le son de simulateur d’ampli qui va bien, et une fois retravaillé, est profond, rond et à la fois medium et profond, un peu vintage, avec le niveau de dynamique approprié. On joue un peu sur le volume de la basse par moments pour la mettre plus devant (ou un peu moins devant) et le tour est joué.

Piano

Si je retenais un mot de l’esprit recherché : Aérien, planant, ponctuant. Ici, le piano est là pour créer l’atmosphère mais et par la même occasion pour donner les pointes d’accents qui font la différence. Mon regret est de ne pas l’avoir mis plus fort, mais la difficulté est que la basse prend tant de place dans le bas medium et la voix dans le medium, sans compter les synthés qui suivent, que le piano est forcément en retrait si l’on ne veut pas tomber dans un fouillis général.

Synths

On est là dans un jeu de question/réponse avec le piano : Il y a systématiquement l’un des deux qui prend la place de l’autre. Mais le synthé permet ici surtout d’apporter les jonctions de morceaux, les montées d’énergie qui annoncent les refrains, mais aussi les côtés planants sur les bridges/couplets avec les violons sur lesquels on fait jouer l’intensité. Pour moi, avec le piano, on a là tous les petits détails qui font qu’on a envie d’écouter encore et encore le morceau pour les découvrir.

Vocals

En résumé : Une recherche de son naturel mais vintage à la fois. La voix lead, charismatique, fait les 90% de ce que l’on va percevoir au final. Cela n’empêche qu’il y a eu pas mal de travail sur les nombreux choeurs et leur placement, tant au niveau de la spatialisation, que sur les volumes des différents choeurs au cours du morceau pour que l’ensemble soit le plus cohérent possible, c’est justement ça qui fait, à mon avis, qu’on peut se concentrer sur la voix principale, tout en étant porté par l’ensemble. Le traitement de cette voix lead n’a pas été non-plus aisé dû à sa grande dynamique. En gros mon idée de la chose par rapport aux recommandations de Laurent et de toute l’équipe, c’était “Bon, je vois un son un peu vintage, faut qu’on perçoive encore la dynamique tout en réussissant à la calmer, et que ça reste naturel, mais avec quand même un peu de distorsion, et puis il faut que ça sonne grand.” Au final, entre distorsion harmonique et compression, avec quelques delays et reverbs bien placées, j’ai réussi à atteindre le résultat que je pré-entendais (ouf!). Sans compter que les chœurs arrivent crescendo au fil du morceau, il y a bien-sûr des “bus” (groupes de pistes) dédiés pour les chœurs, avec des effets permettant de les lier entre eux, le tout produit un résultat qui me semble cohérent, groovy, et met en valeur cette voix. Et le côté aérien de certaines voix, moi ça me porte, je kiffe ! Vive les delays, vive les choeurs aigus et enjoués, vive la Soul Music !

Mastering

J’avais besoin d’oreilles fraîche sur ce projet où j’avais déjà joué de nombreux rôles, il fallait vraiment, encore plus que d’habitude, déléguer le mastering sur ce projet. Et par chance, grâce à la SAE (école d’ingé son), j’avais un contact : Benjamin Savignoni, de Translab. Celui-ci a permis d’uniformiser le morceau encore un peu plus, de rajouter la dernière couche de peps et de le rendre diffusable partout. Avec une excellente communication, en toute simplicité, le résultat est là.

Conclusion

Il y a encore beaucoup à dire sur ce projet, je n’aurai jamais fait le tour de tous les détails croustillants, de la voisine qui vient cogner à la porte quand on enregistre la basse un peu fort, de ma copine de l’époque qui n’en peut plus d’entendre le même morceau… Tout ça n’a finalement que peu d’importance.

Ce qui reste vraiment pour moi, c’est un travail d’équipe formidable, malgré les obligations familiales et professionnelles de chacun, d’arriver à partir non-pas tout à fait de zéro, mais en tout cas d’une formation musicale nouvelle, du bagage musical et des compétences d’organisation et de la volonté de chacun, d’arriver à mettre le tout en commun et en faire un résultat qui dépote. C’est beau.

Merci à tous les participants du projet pour cette expérience, merci à vous autres de l’avoir vécue à travers mon récit.


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